Présentation : La croissance des stalagmites dans les grottes est intimement liée aux conditions climatiques extérieures. Pour cela, l’étude à haute résolution des signaux chimiques contenus dans leur structure interne (lamines) permet de reconstituer les variations des paramètres climatiques et donc de la saisonnalité du climat actuel et passé. Cependant, les études récentesa ont démontré un signal saisonnier dans les paramètres chimiques des stalagmites (Isotopes stables et éléments traces), fait assez particulier dans les cavités belges. Les mesures ponctuelles de températures et de PCO2 dans la salle du Dôme indiquent ainsi une influence de la climatologie souterraine sur ces paramètres et un certain déphasage avec les variations saisonnières en surface. La topographie de la grotte influence aussi localement cette climatologie souterraine. Une meilleure compréhension du fonctionnement actuel de la cavité avec un suivi plus étendu spatialement est nécessaire afin de mieux interpréter le signal saisonnier par l’identification: i) des valeurs seuils de température et de CO2 à l’origine du déphasage entre les changements saisonniers souterrains et ceux de surface, ii) des effets de site (tube à vent, piège à froid) sur les paramètres climatiques souterrains. Etude : Depuis janvier 2016, un programme étendu du suivi micro-climatique de la salle du Dome ou Trou de Han a été initié afin de mieux visualiser les paramètres climatiques souterrains (Température, CO2, pression, humidité) et leur variabilité spatiale et saisonnière au sein de la cavité dans le but de mieux interpréter les signaux saisonniers observés dans les stalagmites. Onze enregistreurs de température de type Niphargus, développés par le Service Géologique de Belgique, ont été répartis dans la salle. Une station automatique a été ajoutée en amont de la salle du Dôme pour un monitoring climatiques souterrains (Température, CO2, pression, humidité). En parallèle, un suivi mensuel de la concentration en CO2 a été effectué sur ces onze stations. Conclusions : Les premiers résultats de cette étude révèlent une variabilité spatiale de la concentration en CO2 et de la température liée à la proximité de la sortie, de la Lesse souterraine et du siphon (effet de source). En revanche, au niveau de la plateforme et jusqu’au Trône de Pluton, la topographie du site n’a qu’une faible incidence sur la température inter-site. La magnitude de ces écarts n'excède par 0.5 °C dans la zone la moins influencée par l'effet de source comme la plateforme. Mise en rapport aux changements saisonniers extérieurs, la variabilité temporelle des stations renseigne deux résultats significatifs. La concentration en CO2 entre stations dans la salle du Dôme varie généralement avec des amplitudes comparables (±100 ppm). Ceci indique une réponse générale du système de circulation interne de la grotte face aux changements saisonniers extérieurs. A l'opposé, la température dans la salle, variant en fonction de l’effet de source, montre une réponse différée entre stations. La galerie des draperies ainsi que la zone de la plateforme suivent la température extérieure après avoir atteint une valeur seuil de température. Afin d’illustrer les variations spatio-temporelles de ces paramètres, ces mesures ont été interpolées via le programme DIVAb développé par l'Université de Liège. a Verheyden et al., 2008 ; Van Ramperbergh et al., 2013 b http://modb.oce.ulg.ac.be/mediawiki/index.php/DIVA
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RBINS Staff Publications 2016
L’abbaye cistercienne de Villers-la-Ville en Brabant wallon fut fondée au 12e siècle (1146) par des moines en provenance de Clairvaux en Bourgogne (France), et abandonnée après la Révolution française à la fin du 18e siècle. L’abbaye se situe en fond de vallée, le long de la rivière de la Thyle au niveau de sa confluence avec deux ruisseaux, le Saint-Bernard et le ruisseau des Affligés. Site remarquable et classé monument historique en 1972, les ruines de l’abbaye présentent une architecture, des bâtiments, cours et jardins tout à fait exceptionnels. Bien que celles-ci soient fouillées depuis la fin du 19e siècle par des architectes et religieux, les résultats de ces travaux ponctuels n’ont jamais été publiés. Ce n’est qu’à partir de 1988 que des fouilles régulières et suivies ont été entreprises par le Service d’Archéologie de la Région Wallonne (COOMANS 1993). Les investigations archéologiques ont été menées depuis dans différents secteurs du site et ont concerné non seulement le sous-sol et les bâtiments, mais aussi l’iconographie et les sources écrites. Les études archéobotaniques (grains de pollen et spores, fruits et graines, bois et charbons de bois) se concentrent quant à elles sur du matériel issu des phases les plus récentes des dernières fouilles conduites entre 1997 et 2012 par la Région Wallonne. Elles ont été entreprises afin de reconstituer le paysage à l’arrivée des moines ainsi que les changements environnementaux induits par la construction d’une telle abbaye. En effet, si les six siècles de vie de l’abbaye sont désormais déjà bien connus, la période précédant son installation reste mystérieuse : Pourquoi les moines ont-ils choisi ce site ? Comment était le paysage à leur arrivée ? Quels changements environnementaux furent induits par la construction d’une telle abbaye ? Quelles étaient les relations entre les hommes et leur milieu au moment de l’installation puis de l’occupation du site de l’abbaye ? Les sites de fond de vallée sont en effet réputés par la tradition comme étant hostiles à un établissement humain. L’archéologie à Villers-la-Ville a montré que les premiers travaux réalisés par les moines à leur arrivée ont consisté à voûter et canaliser la rivière et les deux ruisseaux en souterrain, à installer un maillage complexe de drainages et à construire par-dessus une vaste et haute plate-forme artificielle de matériaux pierreux pour édifier les bâtiments. Des efforts gigantesques d’assainissement du site ont donc été entrepris aux débuts de l’installation (COOMANS 1994). C’est à ces questions que les investigations archéobotaniques tentent de répondre, à travers l’étude de matériel sédimentaire provenant de sondages profonds ou des couches les plus basses qui aient été rencontrées lors des fouilles de 3 secteurs différents de l’abbaye : les zones Moulin/Station d’épuration et Porte de la Ferme appartenant à l’abbaye de transition Villers II (1147-1197) faisant suite au premier camp de base éphémère établi plus au sud (Villers I, 1146-1147), et la zone de la Porte de Bruxelles située au niveau de l’abbaye existante Villers III (1197-1796) au nord. Le sondage le plus profond a été réalisé à la pelle mécanique en 2010 sur le site de la Porte de Bruxelles. Il livre une stratigraphie de 4 m d’épaisseur environ à plus de 80 cm sous la surface du sol actuel, sans le moindre matériel archéologique. Le niveau supérieur du sondage se trouve directement sous une voirie ancienne (dalles plates et ornières). Dix unités stratigraphiques ont été identifiées montrant une alternance de couches plus ou moins humifères et de remblais anthropiques, au-dessus des argiles d’altération du socle schisteux. Les datations radiocarbone effectuées le long du profil, comprises entre le 10e et le 12e siècles, suggèrent que le comblement à cet endroit de la vallée s’est opéré assez rapidement par les moines en vue d’assainir le site. Le sondage semble donc bien remonter avant la fin du 12e siècle et permettre ainsi l’étude du paysage naturel au moment de l’implantation de Villers III. Construite au cours du premier âge d’or de l’abbaye au début du 13e siècle, la porte de Bruxelles servait de porterie et était donc l’entrée principale de l’abbaye (DE WAELE & HUBERT 1998). La porterie était double avec une porterie extérieure et une porterie intérieure, reliés par une voie pavée. la première fut la seule dans un premier temps, probablement durant la première moitié du 13e siècle, tandis que la seconde fut ajoutée par la suite, vers 1275. Les résultats archéobotaniques obtenus sur les couches organiques et argileuses de ce sondage montrent un paysage déjà assez ouvert aux abords de l’abbaye à l’arrivée des moines sur le site de Villers III. Les assemblages polliniques sont dominés par des ligneux pionniers héliophiles (noisetier, bouleau, aulne) de milieux ouverts, haies et lisières, et bords des eaux, tandis que hêtraies et chênaies mixtes sont en régression. Les céréales sont présentes, accompagnées de quelques messicoles et adventices des cultures, ainsi que plusieurs plantes rudérales et nitrophiles. Suite à une première phase de remblais, puis une deuxième afin d’élever le niveau au-dessus de l’eau avant les premières constructions à la Porte de Bruxelles, ces boisements clairs (corylaie, boulaie) sont à leur tour attaqués au profit de cultures relativement importantes (céréales, dont le seigle, et légumineuses), mais aussi de prairies et pelouses plus ou moins impactées. La carpologie suggère une mise en culture locale des sols humides et temporairement inondés peu avant et au moment des premiers travaux dans ce secteur de l’abbaye. Une nouvelle montée des eaux est ensuite enregistrée par la palynologie avec pour conséquence un déplacement des cultures céréalières et des légumineuses, tandis que les dernières forêts de hêtres sont déboisées. Les derniers changements environnementaux enregistrés vers la fin du 12e siècle montrent un développement de l’arboriculture, ainsi qu’un essor des landes sous l’action de l’érosion et de la pression pastorale. Les analyses archéobotaniques en cours dans les deux autres secteurs de l’abbaye devraient nous permettre d’avoir une vision encore plus complète du paysage avant l’occupation de Villers et au cours de sa construction : - le Grand Moulin, dont la construction remonterait à la fin du 12e siècle peu avant celle de la Porte de Bruxelles, a livré un sondage avec une épaisse couche tourbeuse dans laquelle plusieurs faits archéologiques antérieurs au Grand Moulin ont été mis au jour. - la Porte de la Ferme, où les fouilles archéologiques ont livré des découvertes datées de la seconde phase d’établissement de l’abbaye Villers II et même avant, jetant ainsi un éclairage nouveau sur l’occupation du lieu, non seulement durant les premiers temps de l’existence de l’abbaye, mais aussi avant l’installation de celle-ci avec des structures bien antérieures à l’arrivée des moines (DE WAELE et HELLER 2013). Bibliographie COOMANS T. (1993). Villers-la-Ville : ruines de l'abbaye cistercienne. Chronique de l’Archéologie Wallonne 1, 15-16. COOMANS T. (1994). Villers-la-Ville : ruines de l'abbaye cistercienne. Chronique de l’Archéologie Wallonne 2, 24-25. DE WAELE E., HELLER F. (2013). Villers-la-Ville/Villers-la-Ville : l’ancienne abbaye, découvertes aux abords de la porte de la ferme. Chronique de l’Archéologie Wallonne 20, 43-51. DE WAELE E., HUBERT B. (1998). Villers-la-Ville : fouilles à l'abbaye, porte de Bruxelles. Chronique de l’Archéologie Wallonne 6, 9-10.
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L’étrange animal a été recensé pour la première fois en 1986 sur base d’une dent retrouvée, au bord de la rivière Barbat, non loin du village de Pui, au pied du massif des Retezat, dans le sud des Carpates. Ne pouvant l’identifier précisément, les découvreurs le baptisèrent Barbatodon transylvanicus et le classèrent au sein des mammifères multituberculés, tout en reconnaissant l’étrange et primitive morphologie de sa molaire présumée supérieure et composée de deux simples rangées de respectivement trois et quatre cuspides pyramidales. Ce n’est qu’en 2004 que deux dentaires associés et une molaire supérieure de Barbatodon furent exhumés de la même localité, permettant de montrer que la molaire-holotype n’appartenait pas à la rangée dentaire supérieure mais inférieure. Ceci permit de mettre fin à 20 ans de discussion et de ranger « la bête » au sein de la tout aussi étrange famille des Kogaionidae, l’une des rares à survivre à l’extinction de masse Crétacé-Paléogène en Europe. L’intrigue est à son comble depuis 2010 avec l’avancée fulgurante des connaissances faites sur les diverses créatures qui côtoyèrent Barbatodon sur l’île de Haţeg, où de nombreux cas de nanisme, gigantisme et autres formes aberrantes témoignent de « l’effet insulaire ». Aujourd’hui, après des années de recherches tourmentées, nous levons le voile sur l’étrange monsieur Barbatodon grâce à la découverte d’un crâne partiel et dentaires associés issu également de la localité de Pui. L’excellente préservation du spécimen nous permet enfin de révéler la dentition complète et impressionnante d’un kogaionidé et de démontrer que Monsieur Barbatodon présente une mosaïque de caractères primitifs et dérivés et qu’il se situe dans une position basale au sein des Cimolodonta. Mais même ses incisives aux allures de rongeur et ses énormes prémolaires en forme de disque ne sont que roupie de sansonnet à côté de la couleur rouge de ces dents. L’analyse spectrométrique dispersive en énergie (EDS) indique la présence de quantité importante de pigments de fer dans l’émail de l’animal préhistorique. Cette curiosité de la nature n’est connue que chez les musaraignes soricinés et de nombreuses familles de rongeurs actuels, où elle est sensée augmenter la résistance de l’émail à l’abrasion durant la mastication. Monsieur Barbatodon appartiendrait donc à une lignée primitive qui a persisté jusqu’à l’aube du Cénozoïque et qui aurait eu un régime alimentaire particulièrement coriace sur son île perdue au milieu de l’archipel européen.
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