En 1966 les travaux d’élargissement du canal du Centre mettent au jour de nombreux vestiges du Paléolithique supérieur ancien non loin du village de Maisières. La même année, une centaine de mètres carrés sont fouillés dans l’urgence sous la direction de J. de Heinzelin. Cette opération révèle un site de plein air unique à plusieurs égards. Maisières « Canal » fourni en effet une séquence sédimentaire de référence pour la fin du Pléistocène, ainsi qu’un riche mobilier présentant un état de conservation remarquable – témoignage rare d’une implantation anthropique dans une zone périphérique d’Europe, et datée d’une période charnière peu documentée (une phase ancienne du Gravettien, autour de 28 500-27 800 BP). Depuis cinquante ans, bien des scientifiques se sont penchés sur les collections de Maisières « Canal », principalement sur les vestiges lithiques. La campagne d’étude en cours permet de rééquilibrer ces données anciennes dans le cadre du projet EcoPrat (CDR – FNRS), par une approche croisée sur l'assemblage en matières dures d'origine animale (MDA). Cette nouvelle prise en compte des MDA révèle un potentiel inédit concernant la diversité des modalités d’exploitation dont elles firent l'objet, tant à des fins alimentaires que techniques. L’introduction vraisemblablement anthropique de ressources marines fossiles non transformées pour la plupart (malacofaune et ichtyofaune), autant que la particularité de l’exploitation de l’ivoire de mammouth (subfossile et fortement altéré), et du traitement de la petite faune donnent une place des plus singulières à ce gisement au sein du Gravettien d’Europe de l’Ouest. Les restes de lièvre et d’avifaune, certes peu nombreux mais particulièrement bien conservés, n’avaient jusqu’alors jamais été étudiés selon des problématiques archéozoologiques et technologiques. Disposant d’un potentiel unique, Maisières « Canal » se révèle désormais être une fenêtre d’observation majeure sur l’exploitation des MDA au Gravettien. Cette reprise d'étude confirme ainsi la pertinence d’un retour aux collections « anciennes », certes imparfaites mais incontournables.
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RBINS Staff Publications 2019