Pierre Van der Sloot, Olivier Collette, Catherine Coquelet, Mona Court-Picon, Quentin Goffette, Jean-Philippe Marchal, Stéphane Pirson, and Paul Spagna (2015)
Quatre ans de recherches archéologique et géologique sur le site du Trilogiport, à Hermalle-sous-Argenteau (Oupeye)
In: Journées d’Archéologie en Wallonnie, Rochefort 2015, pré-actes, ed. by SPW Editions, pp. 27-29.
1. Projet
La mise en œuvre du projet de plateforme logistique « Trilogiport » à Hermalle-sous-Argenteau, dans la plaine alluviale de la Meuse, entre le fleuve et le Canal Albert, a conduit le Service de l’Archéologie de Liège du SPW à entreprendre d’avril 2010 à août 2014 une opération archéologique sur environ 60 ha, assortie d’une étude géologique menée en partenariat avec la Direction de l’Archéologie du SPW et l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique. Cette intervention offrait l’opportunité de développer les connaissances relatives à la nature et aux modes d’implantation de populations en contexte de fond de vallée, au Tardiglaciaire et à l’Holocène. Ces vingt dernières années ont, en effet, vu se multiplier un peu partout en Europe les fouilles de sites démontrant le haut potentiel archéologique, stratigraphique et paléoenvironnemental des milieux fluviatiles pour ces périodes. Or, de tels sites ayant bénéficié de fouilles modernes demeurent extrêmement rares sur le territoire wallon. Dans ce contexte, il faut souligner la position occupée par le Trilogiport, à l’emplacement d’un des derniers tronçons de la plaine alluviale mosane relativement épargné par l’urbanisation, entre Liège et la frontière hollandaise.
L’opération a révélé la richesse et la variété des contextes archéologiques, matérialisées par la découverte de reliquats d’occupation mésolithiques, néolithiques, protohistoriques, romains et mérovingiens, qui ont pu être intégrés dans un cadre chronostratigraphique, géomorphologique et paléoenvironnemental documenté sur de vastes étendues. Cette approche, complexe en soi, est d’autant plus ardue ici qu’elle représente l’un des premiers jalons en la matière pour le secteur de la Basse Meuse belge.
2. Variété et préservation différentielle des contextes archéologiques
Les artefacts mésolithiques ont été découverts au lieu-dit « Au Chemin de Prehy ». Documentés sur une surface minimale de 2700 m², ils sont la plupart du temps mélangés à d’autres attribuables à un Néolithique « post-danubien », voire à la Protohistoire, et ce à faible profondeur sous la surface du sol actuel. Ponctuellement, ils ont été piégés au sein de chablis ou ont été remaniés par une nécropole romaine du Haut Empire. La découverte de deux sols humifères, bien différenciés dans le comblement d’une dépression naturelle, souligne toutefois l’existence de contextes morpho-sédimentaires plus favorables à une meilleure conservation de traces d’occupation « en place » ou, du moins, peu amalgamées.
La nécropole romaine s’étend sur au moins 900 m2 et affecte une forme oblongue, selon un axe nord-sud. Dans l’ensemble, elle présente un bon état de conservation, hormis les restes crématoires des défunts dont le prélèvement n'a pu être effectué systématiquement. Elle compte 36 sépultures à incinération secondaires (généralement des fosses en pleine terre), 10 dépôts d’offrandes et 4 fosses à cendres. L’examen préliminaire de la composition du mobilier associé aux restes crématoires déposés en tas ou en urne, ainsi que des dépôts d’offrande, donne un premier aperçu des pratiques funéraires en vigueur dans cette nécropole.
Au lieu-dit « A la Gaioule », 32 structures signalent une occupation du Néolithique ancien danubien. Associées à d’autres plus récentes mais d’âge indéterminé, elles s’organisent en une bande d’une vingtaine de mètres de large et de 120 m de long orientée nord-est/sud-ouest. Elles consistent en des fosses de rejet. Un peu à l’écart, la présence d’une réserve d’une vingtaine de blocs et plaquettes d’un matériau qui rappelle le quartzite de Wommersom étonne, vu la faible représentativité de cette roche dans les corpus d’objets lithiques au Néolithique ancien, si ce n’est sur de rares sites proches des affleurements connus pour cette matière première (région de Tirlemont).
Au lieu-dit « Le Potay », une nécropole de type « champ d’urnes » matérialise l’occupation protohistorique du site (Bronze final et 1er Âge du Fer). Elle est riche de 158 tombes à incinération qui illustrent l’ensemble des variantes rituelles connues pour cette époque. Les dépôts de type Knochenlager, avec ou sans dalle de fermeture, sont les plus fréquents mais leur nombre est peut-être surévalué car plusieurs ont été identifiés via de rares ossements dont l’accumulation consécutive à l’action de bioturbations ne peut être exclue. Les tombes à contenants céramique disposés « sur pied », les vases en position retournée faiblement enfouis lors de leur dépôt, ainsi que quelques fosses sépulcrales complètent le corpus.
L’occupation mérovingienne est représentée par 20 aires de combustion. Excepté trois d’entre elles situées au sein de l’espace funéraire proprement dit, elles se répartissent sur le pourtour de la nécropole protohistorique ; une seule recoupe une sépulture. De ces structures, ne subsiste que leur sole, de morphologie et de dimensions standardisées, et leur fosse de rejet. L’absence de tout artefact en association avec ces structures pose question.
3. Cadre paléoenvironnemental
L’étude géologique permet de restituer une séquence sédimentaire épaisse de près de 10 m, caractérisée par une grande diversité des contextes stratigraphiques. Elle a notamment permis d’identifier une large et profonde dépression naturelle (un ancien bras de Meuse ?), non perceptible dans la topographie actuelle. Son comblement enregistre la présence de dépôts tourbeux et argileux propices à la conservation du matériel sporo-pollinique, des restes organiques et de la malacofaune, ce qui a justifié la réalisation de prélèvements par carottage mécanique. Leur étude permettra une restitution de la paléovégétation, y compris en ce qui concerne l’anthropisation des paysages, ainsi que la définition d’un cadre chronostratigraphique, pour un secteur géographique où les données de ce type sont rares.
4. Choix méthodologiques pour la détection des structures
Une telle variété de contextes archéologiques et stratigraphiques pose la question des choix méthodologiques (et celle de leur coordination) à opérer pour le repérage de ces potentiels, en particulier dans le contexte d’une plaine d’inondation où l’environnement morpho-sédimentaire est méconnu. Cette réflexion, initiée au sein des services archéologiques du SPW, constitue sans conteste un autre apport important des fouilles au Trilogiport.
Ainsi, si l’état de conservation des nécropoles protohistorique et romaine est globalement bon, le sommet de plusieurs structures a souffert du passage du godet de la pelleteuse lors de l’évaluation par tranchée de découverture. Pour éviter cet écueil, le recours à la prospection géophysique pourrait être envisagé une fois les premières sépultures repérées, pour autant que le timing le permette. Cette restriction a par ailleurs conduit à prélever les structures funéraires protohistoriques en bloc in situ, pour être fouillées en laboratoire.
Ce même usage des tranchées de découverture apparaît peu efficace lorsqu’il s’agit de repérer des concentrations plus ou moins denses d’artefacts, lesquelles constituent généralement les seules structures conservées pour les périodes pré-néolithiques. Au Trilogiport, si une partie des pièces mésolithiques a tout de même pu être repérée par le biais de cette méthode, les artefacts contenus au sein des deux petits sols humifères nous auraient échappé sans le recours aux sondages manuels et au creusement de tranchées plus profondes. Quant à l’évaluation par carottages systématiques à la tarière manuelle et par tamisage des prélèvements, elle se heurte, pour de grandes surfaces, à la faiblesse des moyens logistiques et humains, ainsi qu’au temps nécessaire pour de telles opérations, tenant compte notamment de la nature limo
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