Située à environ 10 km au sud-est de Liège, la grotte Walou présente une entrée orientée nord-ouest, 25 m au-dessus de la Magne, un tributaire de la rivière du Vesdre. Les fouilles sur le site ont été conduites en deux phases, de 1985 à 1990 (DEWEZ et al. 1993) puis de 1996 à 2004 (DEWEZ 2008, DRAILY 2011), révélant de nombreuses occupations préhistoriques successives. Son importante séquence stratigraphique constitue l’enregistrement sédimentaire le plus complet en ce qui concerne le Quaternaire du karst belge et le plus documenté du Pléistocène supérieur. L’application d’une technique de fouille rigoureuse et une approche interdisciplinaire a contribué à une exploitation optimale des données. L’apport des sciences naturelles a ainsi permis une meilleure compréhension du cadre chronostratigraphique et paléoenvironnemental des occupations (DRAILY et al. 2011, PIRSON et al. 2011, DRAILY et al. 2014). L’étude détaillée de la stratigraphie, le relevé minutieux de tous les vestiges et les études scientifiques permettant de reconstituer l’environnement font donc de la grotte Walou un gisement de référence pour le Paléolithique du nord-ouest de l’Europe. Sur un total de 45 couches composant la stratigraphie de la grotte Walou, 25 ont livré du matériel archéologique (DRAILY 2011). De haut en bas, soit du plus récent au plus ancien, des traces de Néolithique (couche A2) et de Mésolithique (couches A4 et A5) ont été observées. La grotte a également révélé plusieurs occupations du Paléolithique supérieur : Federmesser (couche B1), Gravettien (couche B5) et Aurignacien (couche CI-1). La partie inférieure de la séquence, qui recouvre le dernier interglaciaire et le début du glaciaire Weichsélien, comprend 9 occupations moustériennes ; 6 couches remaniées ont également fourni des artéfacts de cette culture. Une dent d’homme de Neandertal a été découverte dans la couche CI-8, qui contient la plus riche occupation moustérienne du site. Cette découverte confère à Walou une importance toute particulière du fait de la rareté des fosiles néandertaliens retrouvés tant à l’échelle de l’Europe qu’à celle de la Belgique. L’ensemble du matériel lithique a été produit à partir de silex très probablement situé à proximité de la grotte. Seules les occupations gravettiennes et aurignaciennes ont livré d’autres matériaux anthropiques : artéfacts en bois et ossements d’animaux (sagaies en bois de renne, croches de cerf perforées), mais aussi artéfacts minéraux non utilitaires. De nombreux restes fauniques ont également été retrouvés : ours, hyène et lion des cavernes, cheval, renard, bison/aurochs, rhinocéros laineux, cerfs élaphe et mégalocéros, renne, loup, mammouth, chamois, lièvre, blaireau, panthère, chat sauvage, marmotte, castor, lynx, putois, hermine, chevreuil, martre ou fouine, sanglier, bouquetin, mais aussi petits rongeurs et quelques oiseaux. Il est vraisemblable qu’une partie des restes d’herbivores découverts résulte des activités de chasse des hommes préhistoriques, sans qu’il ne soit possible d’identifier la part de celles-ci vis-à-vis des apports par les carnivores. L’étude des restes de poissons a révélé que la pêche a eu lieu sur le site et que les même espèces ont été consommées, aussi bien au cours du Paléolithique moyen que pendant le Paléolithique supérieur et le Néolithique (DRAILY et al. 2011, DRAILY et al. 2014). Le paléoenvironnement de chaque couche du site a pu être appréhendé par l’étude des sédiments et des vestiges de la flore (grains de pollen et spores, fragments de charbons de bois). Ces études permettent de déterminer le climat et le type de végétation environnant la grotte. Douze améliorations climatiques ont été identifiées tout au long de la séquence par plusieurs marqueurs géologiques. L’enregistrement pollinique révèle également une alternance d’assemblages spécifiques de steppes froides et sèches et de milieux plus boisés se développant lors de phases plus chaudes et humides. Chaque paléosol indicatif d’une amélioration climatique est caractérisé par des spectres plus ou moins riches en pollen et trachéide de pin, alors que les dépôts loessiques remaniés livrent des assemblages riches en taxons herbacés avec une grande proportion d’éléments steppiques (DRAILY et al. 2011, DRAILY et al. 2014). Bibliographie DEWEZ M. (2008). Recherches à la grotte Walou à Trooz (Belgique). Second rapport de fouille, Oxford (British Archaeological Reports, International Series, 1789). DEWEZ M., COLLCUTT S. N., CORDY J.-M., GILOT E., GROESSENS-VAN DYCK M.-C., HEIM J., KOZLOWSKI S., SACHSE-KOZLOWSKA E., LACROIX D., SIMONET P. (1993). Recherches à la grotte Walou à Trooz (province de Liège, Belgique). Premier rapport de fouille, Liège (Société Wallonne de Palethnologie, 7), 81 p. DRAILY C. (2011). La grotte Walou à Trooz (Belgique). Fouilles de 1996 à 2004, vol. 3, L’archéologie, Etudes et Documents, 22, 332 p. DRAILY C., COURT-PICON M., DAMBLON F., DE WILDE B., JUVIGNÉ E., PIRSON S., STEWART J., TOUSSAINT M., VAN NEER W., WOUTERS W. (2014). La grotte Walou, un site exceptionnel du Paléolithique, Institut du Patrimoine wallon, Carnets du Patrimoine, 120, 40 p. DRAILY C., PIRSON S., TOUSSAINT M. (2011). La grotte Walou à Trooz (Belgique). Fouilles de 1996 à 2004, vol. 2, Les sciences de la vie et les datations, Etudes et Documents, 21, 241 p. PIRSON S., DRAILY C., TOUSSAINT M. (2011). La grotte Walou à Trooz (Belgique). Fouilles de 1996 à 2004, vol. 1, Les sciences de la terre, Etudes et Documents, 20, 208 p.
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RBINS Staff Publications
Les Mesonychia appartiennent à un groupe éteint de mammifères prédateurs à sabots. Diversifiés (plus de 20 genres actuellement répertoriés ; Szalay et Gould 1966 ; Rose 2006), ils sont connus dans l’ensemble de la Laurasia (Asie, Europe, Amérique du Nord), du Paléocène inférieur à l’Oligocène inférieur. Les Mesonychia sont séparés en deux familles : Hapalodectidae et Mesonychidae (Szalay et Gould 1966; Solé et al. 2018). Ces derniers ont connu deux événements radiatifs : au Paléocène, avec la diversification des clades de « Dissacus », et au début de l’Éocène, avec l’apparition de mésonychidés spécialisés regroupés, notamment, dans le clade Mesonyx (Solé et al., 2018). Les Mesonychidae étaient présents en Europe à partir du Paléocène supérieur (Thanétien) jusqu’à la fin de l’Éocène inférieur (Yprésien). Deux genres, « Dissacus » et Pachyaena, y ont été identifiés. Mis à part Pachyaena gigantea (Vaugirard, France, début de l’Yprésien) et « Dissacus » europaeus (Cernay et Berru, France, Thanétien tardif), décrits respectivement par Boule (1903) et Thewissen (1991), les mésonychidés européens ont été décrits à partir d’éléments dentaires. Cependant, ces dernières années, plusieurs éléments dentaires et postcrâniens ont été découverts dans les localités de l’Éocène inférieur de Palette (France ; MP7) et de La Borie (France ; MP8+9). Nous avons récemment étudié ces nouveaux restes, mais également révisé ceux du P. gigantea de Vaugirard, décrits mais uniquement partiellement représentés au début du 20ème siècle (Boule 1903). Leur description comparative permet de reconstruire l’évolution de la locomotion des mésonychidés européens et d’inclure ces nouvelles données morphologiques dans la matrice portant sur les parentés au sein des Mesonychia récemment améliorée par Solé et al. (2018). Les analyses phylogénétiques (en parcimonie standard et en bayésien « tip dating » mettent en évidence un clade regroupant la plupart des espèces européennes : ceci permet d’imaginer qu’un groupe de mésonychidés a évolué de manière endémique en Europe. Nous proposons de réutiliser un nom de genre proposé par Lemoine (1891) pour l’une des espèces de ce clade : Hyaenodictis. Il regroupe dorénavant cinq espèces auparavant référées au genre « Dissacus ». Concernant l’écologie, nous concluons que Hyaenodictis raslanloubatieri (La Borie) et Hyaenodictis rougierae (Palette) étaient dorsostables, digitigrades spécialisés et coureurs, alors que P. gigantea était plantigrade – bien qu’également coureur. Les différences de posture et de masse corporelle de ces deux genres reflètent une différence de niche écologique ne corroborant pas l’hypothèse selon laquelle Pachyaena aurait pu être remplacé écologiquement par Hyaenodictis au cours de l’Yprésien. Ce nouveau matériel postcrânien de mésonychidés européens permet de constater une convergence avec certains mésonychidés nord-américains appartenant au clade Mesonyx. Des similitudes morphologiques (e.g., disparition du foramen de l’astragale) liées à une même locomotion sont en effet observées sur les deux continents.
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RBINS Staff Publications 2019
La Formation du Shale de Cambay, visible dans les mines de lignite de Vastan, Mangrol et Tadkeswhar au Gujarat, dans l’ouest de l’Inde, a livré une riche faune yprésienne de vertébrés incluant des serpents madtsoïdes, palaeophiidés, booidés et colubroïdes. Ces derniers sont particulièrement abondants mais leurs affinités systématiques sont difficiles à résoudre. Une étude plus détaillée du serpent colubroïde Thaumastophis missiaeni a été entreprise (Zaher et al., 2021). Celle-ci révèle la présence sur ces sites de vertèbres troncales antérieures, moyennes et postérieures ainsi que quelques vertèbres caudales. La combinaison de caractères vertébraux cénophidiens et colubroïdes primitifs et dérivés confirme que Thaumastophis est à la base des Colubriformes. Il en serait le plus ancien représentant connu tandis que Procerophis, découvert dans les mêmes niveaux, peut être considéré comme un Colubriformes dérivé. Par ailleurs, Thaumastophis partage avec le serpent Renenutet enmerwer, connu de l’Eocène supérieur d’Egypte, la combinaison unique des caractères vertébraux suivants: processus prézygapophysénaux bien développés, présence de foramens parazygapophysénaux, épines neurales hautes sur les vertèbres troncales moyennes et postérieures, épines neurales envahissant le tectum zygosphénien, régions para- et diapophysaires distinctes, hypapophyses présentes sur les vertèbres troncales antérieures, vertèbres caudales avec haemapophyses laminaires étendues, cotyle déprimé. Ceci suggère un échange faunique entre l’Inde et l’Afrique du Nord, en passant par la marge la plus au Sud de la Neothethys. Une nouvelle famille des Thaumastophiidae peut donc être proposée incluant le genre Thaumastophis et Renenutet sur base de leur morphologie vertébrale dérivée. Financements Les missions de terrain et la recherche associée ont été financées par la Leakey Foundation; la National Geographic Society; le Département des Sciences et Technologies du gouvernement Indien; le Wadia Institute of Himalayan Geology, Dehradun, Inde; le projet PalEurAfrica de la Politique Scientifique fédérale belge; le Conselho Nacional de Pesquisa e Desenvolvimento Tecnológico; le Coordenação de Aperfeicoamento de Pessoal de Nível Superior; la Fundaçáo de Amparo à Pesquisa do Estado de São Paulo. Références Zaher H., Folie A., Quadros A.B., Rana R.S., Kumar K., Rose K.D., Fahmy M. & Smith T., 2021. Additional vertebral material of Thaumastophis (Serpentes: Caenophidia) from the early Eocene of India provides new insights on the early diversification of colubroidean snakes. Geobios, 66-67: in press. https://doi.org/10.1016/j.geobios.2020.06.009.
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RBINS Staff Publications 2021